Une Planque en Tarentaise

Cela fait une année que le rythme de nos vies a basculé. Le doux ronronnement de nos routines c’est enroué. Nos gouverneurs ont gouverné, la société s’est ajustée, les virus ont évolué, immuablement le temps s’est écoulé. On s’adapte, comme toujours. Plus ou moins bien, comme on peut.  Les fenêtres de nos écrans luminescents, s’est borné à l’affichage d’un flot morne de données et chiffres angoissants. Un spectacle mortifère parachuté dans nos cortex, à en donner qui le tournis, qui la paralysie. Quelque part en Savoie, sur une façade de pierre, une unique fenêtre, tel un monocle cerclé de bois. A travers les carreaux, le tableau est tout autre, il est hivernal et il a tout pour nous réjouir !

Nos sacs sont lourds, bientôt leurs lanières nous arracheront quelques grognements et raidiront les nuques. Avec trépied, caquelon, un filet de patate en varappe, la modeste caravane prend des airs d’exploration minière. Pas certain que nous allions trouver l’or blanc, à coup sûr de bons moments. Les derniers épisodes météo, n’ont pas épargné les Savoies. C’est tout juste si l’on a de quoi faire glisser nos peaux le long de la première centaine de mètres de dénivelé. Le fil de la neige taille dans la forêt un pointillé. Le souffle devient court, les bavardages plus rares, chacun prend conscience de son pouls et se calle dans un rythme. Après avoir usé de ces dernières clartés, le jour laisse place nette à une nuit noire, que peine à éclairer une lune qui boit l’eau des nébulosités. En file indienne, le convoi glisse vers son eldorado.  Nous nous exfiltrons des dernières lueurs et bruits de la vallée pour se créer de nouveaux repères. La couverture de la nuit nous isole du reste du monde. Loin d’être mère d’angoisse, elle a au contraire quelque chose de réconfortant, de reposant. La nuit tous les cieux gris deviennent noirs, et qui sait, peut-être que demain matin il se teinteront de bleu.

Texte de Patrick Vuagnat
Réalisation Laurent Jamet
Photographie Charles Seignolle